Que sont nos tours devenues ?
(ou le mystère des tours disparues) texte de Daniel Fender
extrait du Petit Collongeois n°12 de 1995 - "Les Mystères de Collonges" La légende affirme que du temps de sa splendeur le bourg de Collonges comptait une trentaine de tours ! Intrigués par cette légende , armés d'archives, de loupes et de pioches, des Collongeois sont partis à l'aventure avec enthousiasme d'un Sherlock Holmes qui aurait rencontré Champollion dans un bar du village. L'enquête a été fructueuse : alors que dix-sept tours se dressent fièrement dans le ciel de Collonges, ils en ont retrouvé dix de plus !
Tout journaliste stagiaire, envoyé en mission pour faire un reportage sur les tours de Collonges, se dirait à première vue que c’est l'enfance de l'art, que son diplôme est dans la poche. En effet, il suffit de lever les yeux au de consulter les cartes postales pour constater que les tours sont le signe distinctif par excellence de ce petit village limousin.
Dominant la cité‚ les trois tours de l'église: la superbe tour romane du XIIe siècle, flanquée de deux tours défensives dressées lors de la Guerre de Cent Ans et des guerres de Religion; les tours de l'hôtel des Ramade de Friac se dressent, hautaines face à la tour de la Galerie Vigreyos et celle de la demeure de François Ceyrac; en contrebas de l'église, les tours du superbe Castel de Vassinhac dont les escaliers à vis de deux mètres de large battent à plate couture toutes leurs rivales; les mâchicoulis de la tour de Benges confirment sa volonté défensive; à proximité, au fond d'une ruelle, la tour Bouyt (Ceyrac) ; la tour carrée de la maison des Ramade de la Serre domine la maison de la Sirène; la tour de Paul Chaumeil orne la rue piétonne ouvrant sur l'atelier du vannier et du céramiste. Dans la Rue Noire, notre reporter en herbe se régale en cadrant la tour de Jacques Semail surplombant la maisonnette en encorbellement de Françoise Biraud dont la cour du castel de Beauvirie cache une autre tour hors de la vue des badauds. Sur la place de la Conche, il s'émerveille devant la tour de Maussac ornée d'une élégante poivrière ; mais il lui faut de la perspicacité et l'autorisation d'un voisin pour découvrir l'imposante tour de la demeure d'André Monteil.
Notre détective fait ses comptes.
Il en manque une dizaine, où sont les autres ? Une seule solution : interroger les habitants. L'hospitalité et la passion des Collongeois pour leur village, lui permettent de poursuivre son enquête. Il apprend que la plupart des tours mystérieusement disparues existent encore mais qu'elles restent cachées, masquées sous les toits et ceci depuis la Révolution à la suite de la funeste loi du Directoire imposant les habitants sur les signes extérieurs de leur richesse immobilière-. une loi du 4 Frimaire An VII taxant les portes, les fenêtres et les tours ! Pourquoi consolider une tour qui menace ruine ? Et murer une fenêtre, surtout si elle est à meneaux, permet de réduire l'ardeur du Percepteur ! L'exode rural du siècle dernier et le phylloxéra en détruisant la principale richesse du village ont accéléré les destructions. On lui montre les escaliers à vis des tours tronquées de la Mairie, de la maison de la Sirène, de la porte de la "Coquille" au castel de Maussac, de la maison Livet-Garcia, de la demeure de la famille Poignet, de la salle d'exposition de Mme Lafon et même le mur arrondi d'une ancienne tour au centre du restaurant le Prieuré de Mme Albert ! Notre détective refait ses comptes : vingt-quatre. Il est loin du compte mais il faut faire son rapport. C'est alors qu'on lui montre le vieux cadastre de 1832 signalant l'existence de deux tours détruites après la Révolution : celle qui ornait l'angle intérieur de l'ancien hôtel de Beaurival (atelier de Fernand Vauzou) et la tour de l'ancien prieuré sur la place de l'église; deux édifices décrits dans les mémoires du Colonel Bial, soldat de la Révolution et officier de Napoléon. Total 26 !
Il s'apprête à faire ses adieux quand on lui conseille d'aller voir vers la halle. Il découvre avec surprise dans le sous-sol les vestiges d'une tour inconnue, sans doute la plus ancienne parce que située dans l'axe des remparts sud de l'ancienne ville murée et à moins de dix mètres de l'Église. Il interpelle le terrassier qui se repose en fumant la pipe au fond de la fouille de la Maison du Pèlerin :
"Bonjour mon brave, j'en suis à 27. Y en aurait-il d'autres ? - C'est sûr ! La preuve ! Il suffit de creuser. Revenez l'année prochaine pour les prochaines fouilles." A la fin du XVIe siècle, il y avait dans la paroisse de Collonges environ 1 700 habitants pour 400 aujourd'hui ! Aussi, tous les espoirs sont permis ...
Les tours de Collonges Tours apparentes ♦ Eglise Saint-Pierre ♦ Castel de Vassinhac ♦ Ramade de Friac ♦ Castel de Maussac ♦ Castel de Beauvirie ♦ Castel de Benges ♦ Michel Ceyrac ♦ Galerie Vigreyos ♦ Ramade de la Serre ♦ André Monteil Tours restaurées ♦ François Ceyrac ♦ Paul Chaumeil ♦ Jacques Semail Escaliers à vis et/ou anciennes tours tronquées ♦ Mairie ♦ Maison de la Sirène ♦ Marie-Claire Lafon-Mourigal ♦ Rimet-Mignon ♦ Jean-Pierre Guillaume ♦ Jean-Paul Poignet ♦ Maussac Tours disparues (cadastre de 1832) ♦ Ancien Pieuré (Vauzou-Semail) ♦ Beaurival (Vauzaou) Vestige archéologique (découvert en 1994) ♦ Vauzou-Fender